Industry research for large-scale sustainability
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26.03.2022

Du pain pour la population mondiale


Chère lectrice, cher lecteur,

La guerre en Ukraine est une catastrophe humanitaire qui cause d’horribles souffrances dans les zones touchées. Pourtant, «l’Ukraine n’est qu’une catastrophe qui est venue s’ajouter à une autre», déclare David M. Beasley, directeur du Programme alimentaire mondial des Nations Unies. Selon des estimations, près de 400 millions de personnes dépendent des exportations agroalimentaires russes et ukrainiennes. Notre système agroalimentaire est l’artère vitale de la globalisation. Chaque interruption du flux des denrées alimentaires entre les régions et les frontières peut avoir des conséquences catastrophiques pour l’humanité. Le Covid et le changement climatique ont déjà mis à l’épreuve le système agroalimentaire et frappé de plein fouet les groupes de population les plus faibles. Une pandémie de faim menace: «Les taux de famine sont en train d’augmenter sensiblement dans le monde, et l’un des principaux facteurs de la faim est la guerre», rappelle Steve Taravella du Programme alimentaire mondial sur le portail d’information «Vox». Ce conflit aura des répercussions catastrophiques à l’échelle du globe.

Les conséquences possibles de la guerre ont été esquissées dès les premiers jours du conflit par l'«International Food Policy Research Institute». Depuis, de nombreux articles sur les menaces pesant sur la sécurité alimentaire mondiale sont parus. Les experts de la FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, livrent d’excellentes analyses à ce sujet. Le «New York Times» a titré: «Ukraine War Threatens to Cause a Global Food Crisis.»

Dans le quotidien britannique «Guardian», Khmaes Ammani, travailleur journalier tunisien, résume: «Nous avons besoin de pain». Au Proche Orient et en Afrique du Nord, la guerre en Ukraine fait craindre de plus en plus une hausse des prix des aliments de base. Certes, les prix sont contrôlés en de nombreux endroits, mais les gouvernements ne peuvent pas ignorer les prix du marché. Les plus pauvres sont ceux qui ressentent le plus la hausse des prix. Lorsque le budget des ménages ne suffit pas, la faim menace. Des denrées alimentaires plus chères peuvent toucher directement des millions de gens.

La situation s’avère critique surtout pour l’approvisionnement alimentaire des pays pauvres, écrit le «Tages-Anzeiger». La «Süddeutsche Zeitung» renchérit: «La faim augmentera.» Des pays comme le Bangladesh, le Soudan, le Pakistan, le Liban, la Syrie et l’Egypte sont particulièrement touchés. Aujourd’hui déjà, la famine sévit en Afghanistan. Le Programme alimentaire mondial des Nations Unies fournit de la nourriture à la population, a rapporté l’autre jour la radio «SRF». La Corne de l’Afrique traverse en ce moment l’une des pires sécheresses de son histoire récente. En Éthiopie et en Somalie, quelque 10 millions de personnes, dont beaucoup de femmes, d’enfants et de personnes âgées, sont menacées dans leur existence en raison d’une grave pénurie alimentaire. Le blé consommé sous forme de pain est une importante source d’énergie dans les groupes de population les plus pauvres. Il est sain et fournit les minéraux et les vitamines nécessaires. Sa teneur en vitamines B surtout est remarquable, et il contient aussi de la vitamine E, du potassium, du calcium et du magnésium. «Il ne faut pas sous-estimer l’importance du blé», rappelle Corinne Fleischer, directrice du Programme alimentaire mondial des Nations Unies pour le Proche Orient, dans la «NZZ».

Pour le directeur général de Bayer, Werner Baumann, la question n’est plus de savoir s’il y aura une crise alimentaire, mais quelle sera la gravité de celle-ci. «La filière céréalière est déjà en pleine crise», souligne-t-il dans la «NZZ». De fait, la situation était déjà tendue avant la guerre. Des difficultés de livraison dues à la pandémie, à la sécheresse en Afrique du Nord, au Brésil et au Canada et aux inondations en Chine ont occasionné des dégâts aux récoltes.

En Suisse aussi, 2021 a été une mauvaise année pour les céréales. La pluie a endommagé les récoltes et créé un terreau favorable aux maladies fongiques. Les récoltes de céréales panifiables sont inférieures de 30% à celles d’une année normale. Pour cette raison, l’association de branche Swiss Granum demande de relever les contingents d’importation. Au moment même où les céréales viennent à manquer à l’échelle du globe. Le président de l’Union suisse des paysans, Markus Ritter, demande d’augmenter la production indigène, par solidarité aussi envers les pays les plus pauvres. La guerre en Ukraine nous oblige à regarder plus loin que le bout de notre assiette. L’administration fédérale n’est manifestement pas encore aussi avancée dans ses réflexions, comme en témoignent les réponses aux questions parlementaires de la session de printemps.

C’est toute la chaîne agroalimentaire qui s’apprête à affronter une véritable tempête. Les exportations ukrainiennes et russes sont essentielles pour l’approvisionnement mondial. Pour ce qui est du marché du blé, les données sont présentées sous forme de graphiques sur le site de l’Observatory of Economic Complexity (OEC). Les dépendances y apparaissent. La région de la Mer Noire est une plaque tournante du marché mondial des céréales et de l’huile de tournesol. On y voit que la Russie et l’Ukraine sont des nations de poids dans le domaine agricole. La part des exportations de ces deux pays dans les exportations mondiales atteint 29% pour le blé, 19% pour le maïs et 80% pour l’huile de tournesol. Par ailleurs, la Russie est le plus gros producteur mondial d’engrais. Le pays est le principal producteur d’engrais commerciaux à base d’azote, de phosphore et de potasse. La production d’engrais étant très énergivore, la hausse des prix de l’énergie aura pour effet de la renchérir sensiblement. L’explosion des prix de l’énergie se répercute aussi de multiples manières sur la chaîne agroalimentaire. Si les livraisons d’engrais en provenance de Russie cessent, la production agricole sera considérablement limitée en de nombreux endroits.

La vérité est la première victime de la guerre, dit-on. La guerre en Ukraine ne fait pas exception. Une autre victime de la guerre est la logistique. Un article de la NZZ sur Moritz Stamm, cultivateur de céréales en Ukraine, en offre un exemple. Il y a 18 ans, ce Schaffhousois s’est installé en Ukraine pour y monter une exploitation de 2900 hectares à trois heures de route au sud de Kiev. La moitié de la récolte de l’année dernière attend toujours dans les entrepôts. Il était prévu de transporter par navire le maïs, le blé et les graines de tournesol depuis Odessa, mais cela n’est plus possible. Non seulement parce que le port est bloqué, mais aussi parce que les chauffeurs routiers ne sont plus là. La guerre menace non seulement la production agricole, mais aussi les chaînes de livraison de la production agricole et la distribution logistique des récoltes.

Selon la FAO, les mois à venir seront cruciaux pour la production agricole en Ukraine. En temps normal, durant les semaines de printemps, les agriculteurs préparent les sols pour les cultures. À cause de la guerre, les récoltes sont fortement menacées. La main-d’œuvre, les pièces de rechange, les semences, le carburant et les engrais manquent. L’insécurité ne permet plus de travailler. Le blé semé en automne 2021 pourrait être récolté dès juin. L’orge, le maïs et le tournesol sont généralement semés entre février et mai. Selon le «Financial Times», les pertes en Ukraine risquent d’être importantes si les agriculteurs à l’ouest du pays ne peuvent à leur tour plus cultiver leurs terres. L’incertitude est grande, tout comme le risque que le conflit puisse déclencher une famine mondiale , écrit le «Guardian».

La FAO a identifié une série de risques pour l’approvisionnement alimentaire mondial:

  1. Risques commerciaux: résultant de la fermeture des ports, de la fermeture des entreprises de transformation, des restrictions à l’exportation et de l’incertitude concernant les exportations futures des produits agricoles et des engrais russes et ukrainiens.
  2. Risques sur les prix: des hausses de prix brutales pouvant atteindre 20% sont à craindre.
  3. Risques logistiques: les voies commerciales sont bloquées du fait de la destruction et du blocage des infrastructures pour les exportations de biens.
  4. Risques sur la production: les agriculteurs ne peuvent plus prendre soin de leurs champs. Pour l’Ukraine, selon des estimations, jusqu’à 30% des surfaces agricoles seraient directement touchées par la guerre.
  5. Risques humanitaires: le nombre de personnes ayant besoin d’une aide alimentaire augmente. Tant en Ukraine que dans les pays qui accueillent des réfugiés.
  6. Risques énergétiques: la Russie est un important fournisseur d’énergie. La hausse des prix de l’énergie renchérit aussi la production agricole, car celle-ci consomme beaucoup d’énergie.
  7. Risques sur les cours de change, l’endettement et la croissance: Les investissements dans l’agriculture sont remis à question à long terme.


La meilleure réponse serait la fin de la guerre.
Pour atténuer les conséquences pour l’approvisionnement alimentaire mondial, il est essentiel de préserver l’ouverture des marchés pour les denrées alimentaires et les produits auxiliaires agricoles. Lorsque le protectionnisme s’étend pour faire face à ces risques, les situations de pénurie s’aggravent. Sur ce point, les représentants des principales nations industrialisées sont d’accord. En Ukraine, le maintien de la logistique et des liquidités des entreprises est vital pour la production. En outre, les pays devraient puiser dans leurs réserves pour amortir les chocs sur les marchés agricoles.

À moyen terme, la bonne réponse aux défis à relever sera de garantir l’ouverture des marchés et d’augmenter la productivité de toutes les formes de l’agriculture de manière durable. Cet avis est partagé notamment par Joachim Braun, président du Comité scientifique du Sommet sur les systèmes alimentaires des Nations Unies (UN Food Systems Summit/UNFSS), qui s’est déroulé l’automne dernier. Le parti démocrate libéral allemand (FDP) est aussi favorable à une production agricole intensive durable.

On entend souvent parler du principe de précaution pour prévenir les risques environnementaux. Or, le principe de précaution s’est transformé en principe d’empêchement: du fait de l’utilisation à tout-va du droit de recours des associations, chaque demande d’homologation d’un produit phytosanitaire est attaquée. Avec pour résultat que les agriculteurs ont toujours moins de produits à disposition pour lutter contre les maladies et les parasites. «L’éventail de substances actives rétrécit de plus en plus, de sorte qu’il va devenir difficile d’empêcher les résistances», s’alarme Markus Hochstrasser du service pour la protection des végétaux du canton de Zurich dans le «Schweizer Bauer».

Le principe de précaution se voit attribuer soudainement une autre signification. L’heure n’est plus à la chasse aux résidus sans danger pour l’être humain et l’environnement, mais à l’agriculture solidaire. Une production primaire qui utilise efficacement les ressources, qui apporte une contribution substantielle pour nourrir la population locale et, partant, qui soulage d’autres pays. Le principe suisse de précaution doit consister en un savant mélange d’importations, de produits agricoles indigènes et d’exportations. Et il devrait reposer sur une agriculture intensive durable («sustainable intensification») qui augmente la productivité et, simultanément, protège le climat et la biodiversité. Cela ne peut fonctionner que sur une base scientifique.

Comme le souligne le directeur général de Bayer, Werner Baumann, dans un entretien avec la «NZZ»: «Il n’y a pas d’autre choix que de passer à une agriculture durable avec un faible impact environnemental et une réduction des émissions de CO2.» Avant de poursuivre: «Nous devons diminuer notre consommation de ressources et nourrir 25% d’êtres humains en plus. Cela n’est possible qu’avec une agriculture intensive durable, c’est-à-dire une réduction des surfaces agricoles et une augmentation simultanée des rendements agricoles.»


La rédaction de swiss-food

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