Industry research for large-scale sustainability
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16.10.2021

Les vœux pieux font le lit des importations


Chères lectrices, chers lecteurs,


Le puzzle prend forme, une pièce après l’autre. 2021 est une année agricole catastrophique dans de nombreux secteurs en Suisse. Les rendements des récoltes sont mauvais et le gaspillage des ressources qui en résulte est inquiétant. Beaucoup d’efforts ont été consentis, de l’énergie et des ressources déployées, les sols entretenus et les cultures choyées, mais tout ce travail n’a pas porté ses fruits. Des denrées alimentaires sont ainsi gaspillées dans les champs, bien que les experts parlent plutôt de pertes alimentaires. Les exploitations biologiques sont particulièrement touchées par ces pertes écologiques et économiques. Dans l’ensemble, les mauvais rendements nuisent toutefois à de nombreux agriculteurs.Pratiquement toutes les cultures sont concernées. Les agriculteurs peuvent contracter des assurances contre les dégâts occasionnés par la grêle, mais pas contre les attaques fongiques dues à l’humidité ou contre les parasites qui infestent les champs. Seules une bonne pratique agricole et l’utilisation ciblée de produits phytosanitaires permettent de lutter contre ces calamités pour éviter le pire et préserver au moins une partie des revenus tirés de l’exploitation.

Cette situation ne manque pas de piquant. Jusqu’au mois de juin 2021, la Suisse avait en effet plaidé pour des restrictions massives, voire une interdiction pure et simple des produits phytosanitaires. Au cours des mois qui ont suivi, les agriculteurs suisses se sont battus contre le mildiou qui s’est abattu sur leurs pommes de terre et contre la mycotoxine cancérigène due aux attaques fongiques qui ont affecté le blé. Cette année, il faut déclasser de grandes quantités de cette céréale. Plutôt que de l’utiliser pour produire du pain, il pourrait éventuellement encore servir de fourrage, bien que personne ne puisse le garantir.

Nombreuses sont les personnes étrangères au monde agricole qui ont participé au débat avant la votation. A juste titre, car ainsi fonctionne la démocratie. Bon nombre d’entre elles ont exigé avec véhémence que les agriculteurs renoncent aux produits chimiques «toxiques». Elles considèrent que les «produits phytosanitaires synthétiques» sont ni plus ni moins l’œuvre du diable, mais ne veulent pas voir que l’agriculture biologique a besoin de préparations toxiques à base de cuivre pour lutter contre les attaques fongiques. Dans le même temps, on nous dit de plus en plus souvent que l’agriculture biologique serait également défavorable au climat et à la biodiversité.

L’été 2021 vient toutefois de montrer que nos cultures doivent encore être instamment protégées. La production régionale n’est possible qu’au prix d’une telle protection. Cette approche est par ailleurs la seule capable d’endiguer l’épuisement des ressources dans les champs. Le résumé est clair: le bannissement des produits phytosanitaires relève du vœu pieux. Sans pesticides, l’année 2021 serait une année de famine.

Quiconque cherche en vain des pommes de terre régionales bio au supermarché cet automne et opte pour du chou-fleur, du brocoli ou des choux de Bruxelles importés apprendront quelque chose. L’agriculture est minée par de nombreux conflits d’objectifs. Les solutions radicales et unilatérales ne nous permettent pas d’avancer.Les produits phytosanitaires actuels sont fortement réglementés. Tout comme les produits chimiques domestiques, ils sont sûrs et très utiles lorsqu’ils sont bien utilisés. Les efforts d’innovation et de recherche visant à améliorer continuellement la protection des plantes et à appliquer les produits phytosanitaires de manière encore plus ciblée doivent se poursuivre. Opposons donc le principe de l’amélioration continue aux vœux pieux. Or les améliorations doivent être en mesure de sortir sur le marché.

Il est surprenant que les mêmes groupes d’intérêt qui cherchent à interdire généralement les produits phytosanitaires misent également sur les vœux pieux dans la culture des plantes. Ils espèrent tout du moins que les agriculteurs sauront rendre, d’une manière qu’ils se gardent bien de définir, leurs cultures plus résilientes vis-à-vis d’événements climatiques extrêmes. Ils veulent interdire les cultures ciblées de plantes résistantes grâce aux ciseaux génétiques et déguiser cette interdiction en moratoire bien que les avantages de l’édition génétique des plantes, qui deviennent ainsi résistantes aux parasites et aux maladies fongiques, soient absolument évidents, y compris pour l’alimentation. Malgré l’été agricole difficile en 2021, le Conseil national vient de soumettre l’édition génomique au moratoire sur le génie génétique. C’est un anachronisme. La plupart des cultures résultent d’améliorations techniques. La nature ne les a jamais engendrées d’elle-même, d’après le professeur Achim Walter, de l’EPF de Zurich. Il est particulièrement étonnant qu’une si mauvaise décision soit prise à la fin de l’été 2021 qui a été si humide. Sur le plan politique, la décision n’est pas non plus complètement arrivée à maturation, car la population est assez ouverte à des applications spécifiques de méthodes de culture ciblées visant à rendre les plantes résistantes, comme l’a montré une récente enquête menée par gfs.

Le non aux initiatives agricoles a d’ailleurs été une bonne nouvelle. Dans le même temps, le processus d’agrément de produits phytosanitaires modernes reste toutefois dans les limbes en Suisse.Ces produits agissent de manière plus ciblée et souvent de façon plus spécifique. Il n’est pas raisonnable de retirer continuellement d’anciens produits tout en refusant de donner leur chance à de nouveaux produits phytosanitaires et à la R&D. Telle est pourtant la situation qui prévaut dans notre pays à l’heure actuelle. Cette politique compromet la production agricole régionale et favorise l’importation de denrées alimentaires. Le chat se mord donc la queue. Il est généralement irresponsable de prohiber d’importantes technologies sans proposer d’alternatives. Les vœux pieux ne permettent en effet pas de produire des légumes, des fruits, du vin et des céréales. Comme l’a montré l’été 2021, les vœux pieux se métamorphosent vite en importations.

L’Union européenne s’en est également rendu compte. Trois études de premier plan portant sur l’impact de la stratégie agricole européenne «Farm to Fork» montrent que la réduction des volumes de produits phytosanitaires utilisés et l’augmentation de la part de la culture bio à 25% s’accompagnent de répercussions massives sur la productivité de l’agriculture du vieux continent. En dépit de méthodologies différentes, les auteurs des différentes études sont unanimes. Avec l’approche choisie, la production européenne décroîtra.

D’après l’étude du Joint Research Centre of the EU (JRC), la production et la pollution de l’environnement sont toutes les deux délocalisées. Nous assistons au dévoiement de l’objectif écologique originel de la politique «Farm to Fork». Les importations progresseront alors même que les exportations provenant de l’agriculture européenne seront en berne. L’étude américaine de l’USDA (le ministère de l’agriculture des Etats-Unis) prévoit une baisse de la production agricole de 12% et une hausse des prix de 17% dans l’Union européenne. Dans le même temps, les revenus des agriculteurs européens baisseront de 16%. L’étude révèle en outre l’impact dans le monde de la raréfaction consciente de la production agricole européenne. A l’échelle de la planète, les prix progresseront de 9% et la sécurité alimentaire de 22 millions d’êtres humains sera compromise car l’Union européenne importera plus de produits agricoles. Une mauvaise politique peut avoir des conséquences dramatiques. S’agissant des prix des denrées alimentaires, la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) signale d’ores et déjà une hausse de 10% cette année.

Les premiers résultats de l’évaluation d’impact réalisée par la Wageningen University and Research (WUR) pour le compte d’une alliance d’associations venant de la chaîne de production alimentaire indiquent eux aussi une hausse. Les objectifs politiques européens motivés par des considérations écologiques conduisent à un recul de la production agricole européenne. Les pommes, le houblon, les olives, les agrumes et les tomates sont particulièrement frappés par la suppression de produits phytosanitaires. Du point de vue de l’agriculture européenne, la Commission européenne, doit impérativement adopter une vision globale des objectifs agricoles. Seule une approche intégrale permettra en effet d’aboutir à des solutions rationnelles, la recherche et l’innovation jouant un rôle central dans cette affaire.

Il est aussi dans l’intérêt de la Suisse que la Commission de Bruxelles étudie l’impact de la réglementation. Notre pays importe en effet la moitié de ses aliments, une grande partie depuis des pays membres de l’Union européenne. L’exemple européen devrait toutefois aussi encourager la Suisse à se pencher sur sa propre réglementation. L’AP22+ a en effet été suspendue en Suisse. Fort heureusement d’après nous, car il s’en dégage le même esprit que celui de son pendant européen «Farm to Fork». Des ajustements indispensables sont néanmoins effectués même avec l’initiative parlementaire adoptée pour remplacer l’AP22+ et ses ordonnances d’application, sans aucune étude d’impact de la réglementation et sans vision globale des conséquences économiques, écologiques et sociales. Il en résulte une baisse de la productivité agricole, un déplacement des conséquences écologiques et une hausse des importations et des prix pour les consommateurs.

L’été 2021 a montré de manière éclatante qu’une protection ciblée des plantes est indispensable. Notre pays a besoin d’une agriculture de précision plutôt que de simples importations. Un processus d’agrément basé sur la science, qui fonctionne et qui est assorti de délais permettant aux entreprises de planifier leur activité et les incitant à demander l’agrément de leurs produits sur le marché suisse en fait partie. En l’absence de réflexion globale, les vœux pieux se transformeront en importations, pour autant qu’il reste encore des produits alimentaires à importer.


La rédaction de swiss-food

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