Industry research for large-scale sustainability
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13.01.2023

Plus de clairvoyance, moins de conclusions hâtives


Chère lectrice, cher lecteur,

Chaque nouvelle année ouvre un champ de possibilités. La rétrospective critique montre les erreurs et les leçons à en tirer. Le regard plein d’espoir vers l’avenir donne l’occasion de formuler des vœux et de prendre des résolutions. Il en va de même dans le domaine de l’alimentation. La raréfaction des ressources et, a fortiori, leur utilisation efficace resteront à coup sûr des thèmes clés cette année encore. Les solutions simples n’existent pas. Les deux dernières années l’ont clairement démontré. L’année 2021 fut trop humide, du moins en Europe centrale, et 2022 fut marquée par une grande sécheresse. Ces variations extrêmes mettent l’agriculture sous pression partout dans le monde, aux dépens des ressources naturelles.

En 2022, la situation alimentaire mondiale s’est de plus sensiblement dégradée à cause de la guerre en Ukraine. Nous en avons rendu compte à plusieurs reprises au cours de l’année dernière. Le New York Times a fait le point de la situation à la fin de l’année dernière. En moyenne par mois, l’Ukraine a exporté en 2022 30% de céréales et d’oléagineux en moins qu’en 2021. Certes, l’accord sur les exportations entre la Turquie, l’Ukraine et la Russie a quelque peu désamorcé la situation. Pourtant, selon le Programme alimentaire mondial des Nations Unions, plus de de 350 millions de personnes dans le monde souffrent de la faim, soit deux fois plus qu’en 2019 avant l’éclatement de la pandémie. Les prix des aliments de base ont augmenté massivement pour beaucoup de gens, et les États pâtissent des conséquences financières de la pandémie. Ces deux réalités sont l’expression de la pénurie des ressources.

Tant le changement climatique que la guerre illustrent les immenses défis que doit relever l’agriculture mondiale. Et ces défis soulèvent la question de la juste réponse. Sur un plan personnel, on n’échappera guère au « veganuary » en janvier. Lorsque même le plus grand distributeur de Suisse l’utilise dans son marketing, c’est que
le « veganuary »
entre dans la norme. « Ce qui débute comme une expérience pourrait s’élever au rang de philosophie … », peut-on lire sur la page Internet d’une célèbre chaîne de restauration zurichoise.

L’idée de renoncer un mois durant aux produits carnés a toutefois aussi quelque chose de contradictoire. Sur son blog, Meg Chatham
prône le « regenuary » plutôt que « veganuary ». Nous ne sauverons pas la planète en remplaçant la viande de bœuf par des avocats importés et des substituts carnés à base de soja, argumente-t-elle. Consommer exclusivement des aliments de la région et des produits carnés issus d’une production locale régénérative est plus écologique. Local plutôt que vegan. Des principes auxquels
« SwissMilk » se ralliera sûrement.
L’association a publié un article sur l’alimentation à base de végétaux. C’est la célèbre pyramide alimentaire. La viande et les produits carnés ne sont pas exclus, mais se trouvent en haut de la pyramide, en petites quantités. C’est bon pour la santé et bon pour l’environnement.

Ne pas manger de viande du tout serait une erreur, car la viande apporte de précieux micronutriments. C’est ce qu’a expliqué il y a peu Petra Klassen Wigger, spécialiste en sciences de l’alimentation, dans un entretien Swiss-Food. En décembre, la SonntagsZeitung annonçait en titre que renoncer complètement à la viande n’est pas la solution. Si la journaliste reconnaît qu’une diminution importante de la consommation de viande serait une bonne nouvelle pour la planète, le renoncement à l’élevage serait une erreur, y compris pour la nature. En d’autres mots : les animaux de rente n’ont pas que des désavantages, ils ont aussi une utilité écologique. C’est ce que rappelle Peter Moser, historien de l’agriculture, dans la BauernZeitung. Les vaches contribuent également à la formation de l’humus et à l’économie circulaire. De plus, l’être humain n’a pas un système digestif d’herbivore et 70% des terres agricoles en Suisse sont constituées de pâturages. Si l’être humain veut les utiliser pour son alimentation, il a besoin de ruminants comme les brebis, les chèvres ou les vaches. Même si une reconversion en grandes cultures est parfois possible, elle n’est pas toujours réalisable.

On le voit : les dogmes simplistes ne font guère avancer. Le renoncement et la mise sous tutelle écologique doivent céder la place à des incitations positives et à la confiance dans la science. L’institut de recherches prospectives du chercheur allemand Matthias Horx parle d’écologie bleue : « L’écologie bleue est une écologie constructive qui, plutôt que de nier ou de rejeter l’influence humaine sur l’écosphère, compose avec celle-ci de manière intelligence. Elle associe la technologie, les systèmes intelligents et une prise de conscience pour une nouvelle logique de changement. Elle remplace le débat idéologique et polarisé sur l’écologie et incite les gens à entreprendre de vrais changements. Cela pourrait effectivement déclencher la plus grande révolution de notre temps. » En franglais, on dirait : « More impact, less woke. »

Voilà ce que l’on peut souhaiter pour la nouvelle année. Il faut moins de modes et plus de solutions régénératives à long terme dans l’agriculture. Cela vaut dans le monde entier, et cela vaut aussi pour un pays de haute technologie comme la Suisse. Sous la pression de l’immigration, le taux d’autosuffisance diminue et les surfaces agricoles reculent. Il faut augmenter les rendements sur des surfaces qui diminuent. « Grow more from less » : le remède sert aussi les intérêts du climat : comme le montrent des études de plusieurs instituts de recherche allemands, l’empreinte carbone des variétés de blé et d’orge a diminué de respectivement 13% et 23% depuis 1980. Cette diminution s’explique par la hausse des rendements à l’hectare.

Les défis à relever sont multiples, et les techniques de sélection ont leur rôle à jouer. Les variétés modernes de manioc sont aussi sources d’espoir en Afrique. Elles résistent mieux à la sécheresse que le blé ou le maïs. Et grâce à la découverte du gène de résistance à la redoutée mosaïque du manioc, une maladie virale, on pourra bientôt protéger les cultures au moyen de l’édition génomique. Les mêmes techniques de sélection permettront aussi d’améliorer d’autres récoltes orphelines. C’est le cas du tef, ou sorgho nain, une céréale traditionnelle en Éthiopie. Les avancées ont été rendues possibles grâce à des fondations, la Bill & Melinda Gates Foundation dans le cas du manioc, et la Syngenta Foundation dans le cas du tef. Les travaux de recherche ont également impliqué Wilhelm Gruissem, aujourd’hui professeur émérite à l’EPFZ. Il avait déjà réussi, au moyen du génie génétique classique, de sélectionner une variété de manioc enrichi en vitamines.

L’aliment de base enrichi certainement le plus célèbre est le riz doré. Grâce à lui, on peut éviter des souffrances et sauver des vies. Dans un remarquable entretien diffusé sur les ondes de la radio alémanique le 22 décembre 2022, son inventeur, Ingo Potrykus, est revenu sur l’épopée de sa longue mise au point et sur son combat pour le faire cultiver en plein champ. Ici aussi, la coopération entre d’une part la recherche fondamentale et d’autre part l’industrie et des fondations, pour le financement, ont été décisives. Le riz doré permet de prévenir la carence fréquente en vitamine A, qui entraîne des cas de cécité et de décès chez les enfants par centaines de milliers. Les premières récoltes de riz doré ont enfin pu avoir lieu aux Philippines. La résistance acharnée des ONG au riz doré a coûté de nombreuses vies.

La résistance idéologique fait perdre du temps, mais ne résout aucun problème. Le riz doré n’est pas seul dans son cas. Il existe actuellement de nombreux exemples où la résistance idéologique retarde l’arrivée de solutions sans rien proposer en retour. Lorsque la politique succombe à l’idéologie, les erreurs commises doivent souvent être corrigées ultérieurement en toute hâte et par des revirements à 180°. Cela nuit non seulement à l’efficacité des ressources, mais aussi à la crédibilité et à la qualité de la législation, comme l’écrivait Daniel Gerny à la fin de l’année dernière dans la NZZ.

2023 sera une année électorale en Suisse. Et en année électorale, la réflexion à long terme risque d’être sacrifiée au profit d’intérêts à court terme. Il incombe à la politique de faire des promesses électorales pensées à long terme et réalisables politiquement. Le marketing seul ne permet pas de gagner. Il faut développer des visions d’ensemble et accepter les coopérations pragmatiques entre la recherche publique et la recherche privée. En les encourageant sans idéologie, la politique peut déclencher des solutions. Il ne suffit plus aujourd’hui d’énumérer les problèmes. Les litanies ne convainquent personne. Et elles ne sont ni visionnaires, ni constructives.


La rédaction de swiss-food

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